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Pessimisme en France et aux États-Unis

À l’aide de nos questions sur les perspectives de la prochaine génération et de celle « Si vous aviez le choix, à quelle période voudriez-vous vivre ? », nous avons souligné à plusieurs reprises le pessimisme des Français. Une récente étude du Pew Research Center montre qu’on observe largement la même chose chez les Américains.

Pessimisme en France

Dans notre Rapport 2022 sur le bien-être en France, nous avons souligné qu’en moyenne, les Français anticipent une dégradation de la situation de la prochaine génération en France par rapport à la situation actuelle. Sur une échelle de 0 (‘Bien pire qu’aujourd’hui’) à 10 (‘Bien meilleure qu’aujourd’hui’), la moyenne des notes est inférieure à 5, avec 10% des réponses à 0, soit une très importante dégradation – un constat qui contraste avec une appréciation beaucoup plus positive de l’avenir personnel sur les années à venir.

Ce pessimisme se double d’une forme de nostalgie. Lorsque nous demandons à quelle période les gens aimeraient vivre, leur choix se porte très largement sur le passé récent (décennies entre 1950 et 2010), avec un attrait particulier pour les années 1980.

Pessimisme aux États-Unis

Alors que les États-Unis sont réputés pour leur optimisme, le sondage du Pew met en évidence le même type de fait stylisé. Une majorité des Américains anticipent pour 2050 – un horizon similaire à notre prochaine génération – un déclin de leur pays, tant au niveau de son poids économique et géopolitique qu’au niveau des clivages internes économiques et politiques.

De même, une majorité des Américains pensent que la vie était meilleure pour les gens comme eux il y a 50 ans. Cette appréciation est très politiquement marquée, puisqu’elle concerne 72% des sympathisants Républicains et seulement 43% des Démocrates.

Comme aux États-Unis, nous observons dans nos propres données une progression assez marquée de la préférence pour le passé récent entre 2021 et 2023. Cette concordance suggère que des tendances communes sont à l’œuvre, qui dépassent le contexte national.

Une erreur fondamentale d’attribution ?

Il faut sans doute commencer par noter qu’il existe, particulièrement aux États-Unis, un écart important entre les trajectoires des métriques objectives agrégées (PIB, espérance de vie, taux d’homicides et de morts sur les routes, par exemple) et celles qui s’appliquent à certaines catégories de la population. Les classes populaires blanches ont été particulièrement touchées par la perte des emplois industriels, et sont au premier rang des victimes des opioïdes. Des raisons symboliques jouent certainement aussi : il y a 50 ans, les hommes blancs disposaient encore d’un privilège social significatif (et bien évidemment complètement illégitime) par rapport aux hommes non-blancs et à toutes les femmes. La perte de ce privilège constitue une évolution positive de la société, mais il correspond à une dégradation des perspectives et du statut de ceux qui l’ont perdu, ce qui influence très probablement leur réponse, la question portant spécifiquement sur « des gens comme vous ».

Il faut cependant aussi rappeler que ces questions sont probablement sujettes à une confusion entre l’état de la société ou d’un groupe social dans le passé, et l’état de la personne elle-même. Sur la France, nous constatons que les personnes qui choisissent une décennie du passé choisissent massivement celle de leurs 20 ans. Il semble donc y avoir une confusion entre ce que l’état du pays dans le passé était pour eux en tant que membre d’un groupe social, et la nostalgie individuelle de leur jeunesse.

La rédaction de la question du Pew ne permet pas de construire le même type d’analyse, mais nous pensons que le même phénomène est en partie à l’œuvre. Ceci pourrait expliquer une partie de l’écart entre Républicains et Démocrates : plus âgés, les premiers ont plus souvent un souvenir personnel des années 1970 (il y a 50 ans), qui correspond à l’époque de leur jeunesse.


OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Mathieu Perona (5 mai 2023). Pessimisme en France et aux États-Unis. Carnet de l'Observatoire du Bien-être du CEPREMAP. Consulté le 13 juin 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/sh62


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